Evolution des prix et bouclier tarifaire : on fait le point sur la situation
Depuis 2021, les prix de l’électricité et du gaz ont connu des niveaux de prix et de volatilité historiques. Ces évolutions, autant conjoncturelles que structurelles, ont complexifié la compréhension des marchés de l’énergie.
Dans cet article, nous allons vous présenter les évolutions de prix depuis 2021, en vous exposant les facteurs à l’origine des fluctuations.
L’évolution des prix de l’énergie en France depuis 2021
A) La logique de fixation des prix
Historiquement, les prix de l’électricité fluctuaient autour de 40-50€/MWh tandis que les prix du Gaz s’établissaient dans une fourchette de 12-20€/MWh.
Pour l’électricité, la France profitait de son parc nucléaire (plus grand d’Europe) qui lui permet de produire une grande partie de son électricité au prix de 42€/MWh. Avant la crise, la part du nucléaire dans le mix énergétique de la France s’établissait en moyenne autour de 70%. A celle-ci, on pouvait ajouter en moyenne 20% d’électricité produite grâce aux énergies renouvelables (hydraulique, éolien et solaire), dont le coût de production est encore inférieur au coût du nucléaire. On comprend ainsi que la France n’avait besoin des moyens de production thermiques (gaz et charbon) que pour moins de 10% de sa production annuelle.
En France, le prix de l’électricité est indexé sur le prix du dernier moyen de production appelé pour répondre à la demande. Les moyens de production étant appelés par coûts de production croissants, le prix de l’électricité est donc indexé sur le moyen de production le plus onéreux permettant d’équilibrer l’offre et la demande à un instant t. C’est ce qu’on appelle la logique du « merit order ».
Anciennement, la forte part du nucléaire nous permettait d’être peu dépendants du gaz et du charbon pour répondre à la demande. De plus, le prix de ces combustibles était bien plus bas qu’à l’heure actuelle. Ainsi, les prix de l’électricité étaient stables et oscillaient autour de 45€/MWh.
Pour le gaz, contrairement à l’électricité, la France est obligée d’importer la majorité de ce qu’elle consomme sur son territoire. Historiquement, nous exportions via les gazoducs depuis la Russie et les pays nordiques ainsi que par cargos de GNL depuis les États-Unis et le Moyen-Orient. Ces sources d’approvisionnements étaient stables et sécurisées, ce qui permettait également des prix bas et stables.
B) Les facteurs ayant conduit à des prix haussiers depuis 2021
Depuis début 2021, cette situation a été perturbée par plusieurs événements qui ont changé structurellement l’équilibre offre-demande et donc les niveaux de prix.
En début d’année 2021, les prix ont commencé à monter progressivement à cause de la reprise économique mondiale post-covid ainsi que l’augmentation du prix des quotas de C02.
Cette reprise économique a fait augmenter la demande énergétique, ce qui toutes choses égales par ailleurs fait monter les prix. De plus, en début d’année 2021, le prix des quotas de CO2 a commencé progressivement à monter. Cette hausse des prix des quotas de C02 vient impacter le coût de production de l’électricité via le gaz et le charbon qui sont fortement émetteurs en C02. A titre informatif, le prix des quotas est passé de 20€/t en 2020 à plus de 90€/t à fin 2022.
Puis la crise gazière a commencé avec l’annulation de la mise-en-service du Gazoduc Nord Stream 2 en début d’automne 2021, qui devait représenter une source d’approvisionnement supplémentaire pour l’Europe. Les prix du gaz sont alors montés à plus de 60€/MWh pour l’année 2022, ce qui a fait monter les prix du de l’électricité à plus de 210€/MWh pour le Baseload 2022.
De plus, EDF a pratiqué des maintenances, reportées du Covid sur plusieurs de ses réacteurs nucléaires, dont 16 ont montré des problèmes de corrosions, ce qui a fortement détérioré notre production nucléaire. Ainsi, en 2022, nous avons connu le niveau de production nucléaire le plus bas depuis 1988 avec 279 TWh de quantité produite. (Source, RTE). Ce déficit de production nucléaire a fait augmenter notre dépendance au gaz et au charbon pour produire de l’électricité.
Enfin le début de la guerre en Ukraine a fait monter de manière exponentielle les prix du gaz en Europe, ce qui dans un contexte de production nucléaire basse a fait atteindre des sommets aux prix de l’électricité. En effet, la Russie, principale source gazière d’Europe, a stoppé son approvisionnement vers la fin de l’été 2022.
Le 29 août 2022, nous avons connu un pic à l’ouverture des marchés, avec un prix de l’électricité autour des 1442,29€/MWh et un tarif du gaz à plus de 288€/MWh.
Des dispositifs d’aides pour soulager les entreprises
Afin de permettre aux entreprises de moins subir les hausses des marchés, l’état a mis en place de nombreux dispositifs d’aides.
Le premier qui a été mis en place est le bouclier tarifaire dès octobre 2021.
Il s’agit d’un dispositif d’aide qui a pour vocation de limiter le prix de l’électricité ou du gaz, pour les consommateurs et petites entreprises, à un certain seuil.
Ce dispositif a permis de contenir à 4 % la hausse des prix de l’électricité en 2022 pour les TPE et PME. Pour le gaz, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel ont été gelés, du 1er novembre 2021 au 31 décembre 2022, à leur niveau de prix d’octobre 2021.
En 2023, le bouclier tarifaire a été reconduit et a permis de contenir à 15% la hausse, à partir de janvier pour le gaz et février pour l’électricité.
Sont éligibles au bouclier tarifaire :
- Les TPE et PME
- Moins de 10 salariés,
- Chiffre d’affaires de moins de 2 millions d’euros,
- Compteur électrique d’une puissance inférieure à 36 kVA
Depuis sa mise en place, celui-ci a eu un réel impact sur la facture d’énergie des consommateurs et des entreprises éligibles.
La CRE (commission de régulation de l’énergie) compare, régulièrement, la différence entre le prix avec gel tarifaire et sans gel tarifaire, afin de mesurer l’impact d’un tel dispositif.
Pour les autres entreprises, de tailles plus importantes, l’état a également mis en place d’autres mécanismes d’aides en fin d’année 2022, à la suite de la crise énergétique connue au mois d’août.
Aujourd’hui, voici les principaux dispositifs en place :
- Le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz
- L’amortisseur électricité
- Le plafonnement des prix de l’électricité
Plus d’information dans cet article
Perspectives d’évolution des prix et politique énergétique
Depuis le mois de janvier 2023, les prix de l’électricité et du gaz ne cessent de baisser pour revenir progressivement à des niveaux un peu plus « normaux ». Nous constatons que la moyenne des tarifs de l’électricité sur 3 ans se stabilise en dessous des 200€/MWh tandis que la moyenne sur 3 ans du gaz se stabilise autour des 50€/MWh.
Les prix en électricité sont passés de 216 €/MWh le 5 janvier 2023 à 148 €/MWh le 19 juin 2023.
Source : Mon courtier énergie
Pour le gaz, ils sont passés de 85 €/MWh le 5 janvier 2023 à 41 €/MWh le 19 juin 2023.
Source : Mon courtier énergie
Aujourd’hui, les principales alertes pour l’électricité concernent l’évolution des températures et la disponibilité des centrales nucléaires.
Récemment, EDF a réaffirmé que son niveau de production nucléaire durant l’hiver serait bien supérieur à celui de l’hiver dernier.
Par rapport au gaz, on peut noter que l’Europe a su s’adapter à la suite de la crise survenue à l’été 2022, avec la Russie, principal fournisseur gazier, qui avait décidé de couper l’approvisionnement.
Pour ce faire, la France a notamment fait importer du GNL, principalement en provenance des États-Unis, au travers de ses terminaux méthaniers.
Quant à la Norvège, le pays est devenu le principal fournisseur de gaz en Europe en couvrant entre 30 et 40% des besoins du continent.
L’hiver dernier, la demande gazière était en baisse, avec des températures plutôt douces et des stockages de gaz en Europe qui étaient très élevés, ce qui a permis de garder un marché gazier avec des montants plutôt stables.
Cependant, les doutes concernant la capacité du stockage gazier à répondre à la demande pendant l’hiver continueront d’influencer les prix du marché du gaz naturel dans les prochains mois.
A court terme, des changements viennent modifier les perspectives sur les marchés énergétiques :
- La renationalisation d’EDF par l’état français qui reprend ainsi le contrôle de notre production nucléaire.
- La fin des TRV (Tarifs réglementés de ventes) sur le gaz le 1er juillet 2023.
- Les mécanismes d’aides qui ne sont pour l’instant pas renouvelés au-delà de leur date de fin initiale en décembre 2023 (bouclier tarifaire, amortisseur électricité).
L’un des gros enjeux à terme est aussi sur la fixation des prix.
Comme indiqué en début d’article, les tarifs de l’électricité sont en partie indexés sur ceux du gaz (Merit Order).
Cette règle, mise en place par l’Union européenne, est commune à tous les pays membres.
En fin d’année 2022, la France a entamé des discussions avec les instances européennes sur ce sujet, mais s’est fait retoquer.
Cependant, le 19 décembre 2022, les 27 pays membres de l’Union européenne ont réussi à parvenir à un accord pour fixer un plafond d’achat gazier à 180 €/MWh. Deux conditions doivent être remplies pour que ce mécanisme entre en vigueur :
- Les montants sur l’indice TTF (Title Transfer Facility), qui est la référence sur le marché gazier européen, doivent dépasser 180 €/MWh pendant 3 jours consécutifs.
- Les cours doivent dépasser de 35 € le prix moyen mondial du gaz naturel liquéfié pendant les mêmes 3 jours.
Ce nouveau mécanisme est appliqué depuis le 15 février 2023 dans le but de limiter les prochaines flambées de prix.
En revanche, il sera désactivé automatiquement s’il y a un risque sur l’approvisionnement ou si la consommation gazière augmente.
À l’avenir, si vous souhaitez suivre quotidiennement l’actualité des marchés de l’électricité et du gaz et être alerté des prochains événements, nous vous invitons à consulter notre hebdo énergie chaque début de semaine.