La « taxe EDF » : de quoi s’agit-il ?
Le projet de « taxe EDF », hérité de l’ancien Gouvernement, suscite de nombreuses interrogations et craintes, tant chez les acteurs du secteur de l’énergie que chez les consommateurs français.
Ce projet vise principalement le géant de l’électricité EDF et il s’agit aujourd’hui d’un sujet important pour le nouveau Gouvernement, dirigé par le nouveau Premier ministre, Michel Barnier. En effet, la décision de la mise en place de cette taxe EDF reste aujourd’hui en suspens.
Concrètement, pourquoi l’ancien Gouvernement souhaitait sa mise en place ? Quels en seraient les bénéfices pour la France et les conséquences pour les consommateurs ? Et pourquoi cette taxe est-elle controversée parmi les acteurs de l’énergie ?
Pourquoi mettre en place une « taxe EDF » ?
La « taxe EDF », une solution pour remplacer la « CRIM » ?
À l’origine de la proposition sur la « taxe EDF », il y a la Contribution sur les Rentes Infra-Marginales aussi appelée la « CRIM ». Il s’agit d’une taxe exceptionnelle introduite fin 2022 en France pour récupérer une partie des profits des énergéticiens.
Cette contribution a été instaurée pour capter une partie des bénéfices des entreprises énergétiques, dont les profits avaient explosé en raison de la crise énergétique. L’objectif était de financer des mesures comme le bouclier tarifaire, destiné à protéger les Français de la flambée des prix de l’énergie.
À noter : La CRIM a été mise en place pour répondre à une décision européenne. Ainsi, cette taxe a été possible par un accord européen. Cet accord vient imposer de plafonner les recettes tirées du marché par les producteurs d’électricité à un niveau maximum de 180€/MWh. Avec la « CRIM », on comprend que le règlement européen a été transposé France via la loi de finances pour 2023 avec l’instauration de cette taxe exceptionnelle.
Quel est le résultat de la « CRIM » ?
Cette taxe s’applique sur les revenus de marché avec des plafonds de prix de vente différents selon les filières. Mais elle est bien en dessous du seuil mentionné au niveau européen. En exemple, 90 €/MWh pour le nucléaire et 100 €/MWh pour l’éolien. Cependant, cette mesure n’a pas été un succès. En effet, selon la Cour des comptes, la CRIM n’a rapporté que 4,3 milliards d’euros, un montant bien inférieur aux prévisions, en raison de la baisse des prix de l’électricité.
C’est pourquoi, ce manque à gagner pousse aujourd’hui l’État à envisager un nouveau dispositif fiscal : la « taxe EDF ».
Une taxe basée sur la capacité installée
Contrairement à la CRIM, qui taxait les bénéfices, la « taxe EDF » vise la puissance électrique installée des entreprises énergétiques. Concrètement, cela signifie que les installations de plus de 260 MW seraient taxées. On comprend que cela toucherait principalement EDF, mais également des acteurs comme TotalEnergies ou Engie.
Ainsi, en ciblant la capacité installée, cette taxe serait déconnectée des fluctuations des marchés de l’électricité. Cela pourrait garantir des rentrées fiscales stables, mais cette stabilité aura un impact important à ne pas négliger. En effet, les experts du secteur de l’énergie craignent que cette mesure ne décourage les investissements dans les énergies décarbonées, en particulier le nucléaire et les énergies renouvelables.
Une mesure élaborée par l’ancien Gouvernement : quid de la suite ?
La « taxe EDF » : une proposition présentée par Bruno Le Maire avant son départ
Évoquée lundi 9 septembre par Bruno Le Maire devant la commission des Finances, l’ancien ministre de l’Économie a mis en avant sa proposition de taxe EDF : sa mise en place pourrait permettre de récolter 2,8 milliards d’euros de recettes supplémentaires, via une loi de finances rectificative.
Un projet critiqué par le secteur de l’énergie
La proposition de cette nouvelle taxe n’a pas tardé à être critiquée dès sa présentation.
La présidente de l’Union française de l’électricité (UFE) a dénoncé un « contresens » pour la transition énergétique et le pouvoir d’achat des Français. D’après elle, cette mesure risquerait de freiner les projets d’investissements, à un moment où la lutte contre le changement climatique nécessite des investissements importants.
Agnès Pannier-Runacher, à cette période Ministre déléguée démissionnaire auprès du ministre de l’Agriculture avait exprimé son opposition à cette taxe en la qualifiant d’absurde dans de nombreuses interviews. Elle avait souligné que, puisqu’EDF est une entreprise publique, une telle taxe reviendrait à déplacer des fonds publics d’un endroit à un autre sans réel bénéfice pour le contribuable. Ce point de vue met aussi en lumière le caractère paradoxal de cette taxe visant une entité détenue par l’État : EDF.
Cependant, la question de la mise en place de cette taxe reste toujours d’actualité. Avec des recettes fiscales potentielles estimées à 2,8 milliards d’euros, l’État pourrait être tenté de maintenir cette mesure, surtout si elle est répercutée discrètement sur la facture des consommateurs.
L’avenir de la « taxe EDF » reste incertain avec le nouveau Gouvernement
Dans le nouveau Gouvernement formé le 21 septembre dernier, Agnès Pannier-Runacher, à nouveau nommée à la Transition écologique, semblait bien décidée dans ces déclarations à ne pas être une supportrice de ce projet. De plus, dans ses récentes prises de paroles, le nouveau ministre de l’Économie, Antoine Armand, partage également la même position.
La décision de la mise en place de cette taxe n’est donc pas terminée et reste aujourd’hui en suspens. Le retour d’Agnès Pannier-Runacher pourrait bien stopper le projet de cette taxe qui a été proposé par l’ancien Gouvernement.
Toutefois, dans un contexte de tensions budgétaires, le Gouvernement devra trouver des solutions entre la nécessité d’obtenir des nouvelles recettes fiscales et la volonté de préserver les investissements pour la transition énergétique. Affaire à suivre, alors que la nouvelle équipe gouvernementale s’empare de ce dossier complexe.